La branche paternelle de ma famille m’a mené à faire des recherches dans les Deux-Sèvres. Après plusieurs années à me contenter de réaliser ma généalogie ascendante, j’ai eu envie d’en savoir davantage sur mes ancêtres. Au-delà des noms et des prénoms, j’ai souhaité découvrir quel a pu être la vie des différents individus qui composent mon arbre et tout particulièrement ceux de ma lignée ascendante directe. Je me suis donc lancé dans une recherche plus approfondie en feuilletant divers écrits régionaux et en consultant diverses sources d’archives toutes plus intéressantes les unes que les autres.
Je me suis bien sûr appuyé sur les différents registres paroissiaux que j’ai feuilletés souvent plusieurs fois, mais aussi sur des sources d’archives telles que les archives notariées ou encore les archives hypothécaires (dont les rôles de la taille des paroisses qui permettent de se faire une idée assez précise de la richesse de ses ancêtres et des personnes composant une paroisse donnée).
Les premières traces des membres de ma famille
La situation géopolitique de l’époque
Jacques TURPEAU et sa femme Jeanne RAYMOND sont les ancêtres les plus lointains que j’ai pu découvrir. Leur vie se déroule du milieu du 17ème siècle au début du 18ème siècle sur la commune de Sainte-Eanne (région de Saint-Maixent et la Mothe-Saint-Héray). À cette époque, Louis XIV et sa cour règnent en maîtres absolus sur le royaume de France. Le catholicisme est la religion officielle mais la région dans laquelle Jacques et Jeanne vivent connaît une forte concentration protestante. Ce qui entraîne de nombreux conflits et répressions comme lors des terribles dragonnades de 1681 qui ont ravagé toute la région. Louis XIV souhaitant se débarrasser définitivement de la religion protestante, ordonne à ses dragons de se rendre dans les foyers « rebelles » dans un unique but : la conversion des protestants au catholicisme de gré ou de force.
Les conditions de vies de la famille
La richesse
À la fin du 17ème siècle, le couple vit avec leurs deux enfants (Jacques et Jean) au lieu-dit du Breuil de la paroisse de Sainte-Eanne. Le mari travaille en tant que journaliers pour différents propriétaires terriens. Ses revenus sont relativement faibles et variables car directement liés au nombre de jours travaillés par mois, par saisons, … Comme beaucoup de familles paysannes de cette époque, ils connaissent des conditions de vies précaires voir “misérables”. En analysant un peu les rôles de la taille de la paroisse de Saint-Eanne, je peux a priori dire sans trop m’avancer que Jacques et Jeanne faisaient partis des habitants les plus pauvres de la paroisse (Sur une période allant de 1689 à 1709, le couple ne paiera jamais plus de 35 sols pour la taille, alors que d’autres journaliers de la paroisse paieront parfois plusieurs dizaines de livres).
La religion
Pour ce qui est de la religion de Jacques et Jeanne, a priori, ils seraient de confession catholique. Toutefois il m’est difficile de me prononcer avec certitude. Est-ce purement par conviction ou bien pour éviter les représailles appliquées aux membres de la foi protestante ? Sur les registres paroissiaux, je retrouve la majorité des actes du couple et de leurs enfants. Les prénoms des parents comme ceux des enfants sont plutôt associés à la religion catholique : Jacques, Jean, Jeanne. Toutefois cela ne constitue en aucun cas une preuve irréfutable. Quoi qu’il en soit il est fort à parier qu’ils côtoient dans leur entourage plus ou moins proche des personnes de confessions protestantes. Ces derniers étant fortement présents dans la région.
Le parcours des enfants
À la fin du 17ème siècle, Jacques et Jeanne marient leurs deux enfants : Jean et Jacques.
Le premier se marie le lundi 14 juillet 1698 en l’église de la Mothe-Saint-Héray avec Jeanne SERVANT, une femme dont la famille est de confession protestante. Les parents de cette dernière ayant dû abjurer leur foi à Avon lors des dragonnades de 1681. Les deux futurs époux se connaissaient déjà avant le mariage. Les deux travaillant en tant que domestiques pour le Sieur François LAMBERTON, meunier et propriétaire du Moulin de Quincangrousse à La Mothe-Saint-Héray. Un contrat de mariage est d’ailleurs signé audit moulin en présence du dit sieur LAMBERTON, maître des futurs mariés, ainsi que des membres des deux familles.
Le second quant à lui se marie au cours de l’année 1702 – 1703 avec Marie PEROTTEAU, une jeune femme originaire de Nanteuil vivant avec sa mère et son beau-père à la Martinière sur la paroisse d’Exireuil. Je n’ai trouvé nulle part l’acte de mariage. Cependant, j’ai pu trouver l’acte de contrat de mariage passé chez René CONTE, beau-père de Marie le 3 décembre 1702 en présence du notaire Maitre Clément LELIEPVRE (notaire de Saint-Maixent) ainsi que des amis et membres de la famille.
Les premiers petits-enfants
Très vite, Jacques et Jeanne deviennent grands-parents. Le premier-né vient au monde en 1699 et est prénommé Jacques tout comme son parrain (et sûrement grand-père). Puis deux autres nouveau-nés viennent au monde à peu de temps d’intervalles. L’un prénommé Elisabeth né le 8 et baptisée le 11 novembre 1703 à Sainte-Eanne (fille de Jacques et de Marie PEROTEAU). L’autre prénommé Pierre dont la date de naissance n’est pas précisée et baptisé le 8 novembre à La Mothe-Saint-Héray (fils de Jean et de Jeanne SERVANT). La jeune fille reçoit pour parrain et marraine Jacques NOT et Elisabeth FOURNIER et pour le jeune garçon il s’agit de Pierre FOURNIER et de MARIE DUPUY. Il semblerait donc qu’Elisabeth et Pierre FOURNIER fassent partie des proches de la famille. Il est important de noter que Marie DUPUY signe l’acte de baptême, ce qui est souvent réservé à une certaine classe sociale et / ou des personnes de confession protestante.
En 1705, un nouveau petit-fils vient agrandir la famille. Il s’agit de Jean qui est le fils de Jacques et Marie PEROTEAU. Suivi d’un autre Jean en 1707, cette fois-ci fils de Jean et Marie SERVANT.
1707 – 1709 : la fin de vie pour Jacques et son épouse Jeanne
Jeanne décède la première. Elle est inhumée le vendredi 7 janvier 1707 au cimetière de Sainte-Eanne. La “cérémonie” se déroule en présence de son mari, de ses deux fils Jean et Jacques ainsi que deux témoins Etienne GUESSARD et Daniel AUBOUIN. Sur l’acte, il est mentionné qu’elle était âgée d’environ 65 ans, ce qui est assez âgé pour l’époque.
L’année 1709 marque celle du décès de Jacques TURPEAU mais aussi celle du Grand Hiver qui toucha la France. Ce terrible épisode météorologique qui provoqua la mort de nombreuses personnes de par le froid intense et la famine en résultant. Jacques a survécu à cet épisode glacial mais décéda le 11 mai suivant à environ 70 ans. Est-il mort de manière naturelle ou bien à cause du froid et de la famine ? Impossible à dire. Quoi qu’il en soit cet événement fut une épreuve pour une majorité des Français. Comme en témoigne le récit du curé de Pamproux sur les registres paroissiaux : Le sixième janvier jour de dimanche et fête des rois de l’année mil sept cent neuf commença le grand froid sur les deux ou trois heures après midi. Après avoir fait de la pluie la matinée les neiges furent sur la terre depuis le mardi huitième jusqu’au mois de mars les froments les seigles et les noyers et châtaigniers gelèrent tout le froment valut onze livres tournois le boisseau et le seigle huit livres tournois le boisseau, mesure de Pamproux. On trouva à Saint-Martin un homme mort de froid qui fut inhumé dans cette paroisse le 13 janvier et plusieurs furent trouvés ailleurs. AD79 Pamproux 1700-1710 vue 75
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